Gold'Or

Texte par Fabrice Eschmann

Un passionné réveille Elka Watch - Gold'Or (goldor.ch)

FABRICE ESCHMANN      WATCHES


Après 23 ans au Swatch Group comme responsable de produits, Hakim El Kadiri se lance avec sa propre marque. Une marque historique qu’il réveille, et qui porte le même nom que son diminutif! 


Ses amis l’appellent Elka depuis toujours. Alors lorsqu’Hakim El Kadiri tombe sur l’ancienne marque horlogère Elka Watch Co, il n’en croit pas ses yeux! «J’étais en train de chercher, dans une liste de 1700 marques ayant existé, un nom pour mes montres, explique-t-il avec un large sourire. J’aimais bien Elgin – connue pour ses «railroad watches» – mais il était protégé. Deux lignes en-dessous, il y avait Elka. Je n’ai pas hésité une seconde.» Hakim El Kadiri n’est pas un inconnu dans le monde de l’horlogerie. Durant 23 ans au Swatch Group, ce technicien de formation est passé par Swatch, Hamilton et Rado. Head of product management, il a notamment développé des collections comme HyperChrome, True ou Captain Cook chez Rado, ainsi que piloté toutes les collaborations avec des designers.

Succursale à La Chaux-de-Fonds

Mais en 2021, à 56 ans, l’homme décide de se réinventer. Après des bouleversements au sein de Swatch Group, il quitte l’entreprise pour enfin écouter son envie d’entreprendre. Et c’est dans les spiritueux qu’il se lance d’abord. «Je voulais faire un Whisky neuchâtelois. J’ai donc acheté des fûts de chêne et fait distiller quelques centaines de litres. Le tout se bonifie au frais dans une cave que j’ai louée, en attendant d’être mis en bouteilles.» L’horlogerie revient cependant vite au centre de ses projets. Fin connaisseur du marché international, il a d’abord l’ambition de créer une marque en partant de zéro. C’était juste avant de découvrir Elka Watch Co. Acronyme de Eduard Louis Kiek Amsterdam, la marque fut fondée en Hollande en 1877. Passant de père en fils, elle ouvre une succursale à La Chaux-de-Fonds vers 1949. Elle y produit des montres-bracelets et des montres de poche, mais également des chronographes et des horloges d’échec pour les Pays-Bas. Au milieu des années 1970, la marque s’éteint gentiment. Ernst Louis Kiek, petit-fils du fondateur et dernier héritier, décède dans les années 2000.

Une histoire atypique

En parcourant les sites de ventes de montres d’occasion – et en achetant au passage quelques pièces anciennes –, Hakim El Kadiri découvre alors qu’Elka Watch Co avait également noué quelques partenariats avec de grandes marques locales, comme Minerva, Zenith, Heuer ou encore Ulysse Nardin, afin de proposer des modèles en co-création. Un cadran réalisé par Ulysse Nardin, ainsi qu’un instrument d’aviation mis au point par Heuer, vont particulièrement attirer son attention. «Mon but n’est pas de ressusciter la marque Elka, souligne l’horloger. Je me suis inspiré de ces modèles des années 1960 pour mes deux premières collections. Pour les boitiers, j’ai emprunté leurs courbes aux montres de poche. Le résultat ressemble à la montre de grand-papa, mais avec des lignes très contemporaines.» Et pour parfaire ce look vintage plutôt réussi, la montre est proposée sur bracelet cuir, milanais ou Nato.

Mouvement Lajoux-Perret

Pour le mouvement, Hakim El Kadiri a opté pour le nouveau calibre trois aiguilles Lajoux-Perret G100, avec une réserve de marche de 68 heures, tout juste sorti de production. «Je ne voulais pas une montre compliquée, mais un garde-temps simple, élégant, efficace, portable par tous, tous les jours et pour toutes les occasions.» Reste à démarrer la production d’une première série. Pour cette étape, il choisit le financement participatif: «Je souhaite garder la maitrise de ma marque, comprendre toutes les étapes de A à Z, confesse-t-il. C’est pourquoi je n’ai pas cherché d’investisseurs, mais plutôt utilisé la plate-forme KickStarter. » Avec un certain succès : durant le mois de juin dernier, l’entrepreneur réalise 263 pour cent de l’objectif fixé. Quelques 80 «backers», comme le site américain nomme ses investisseurs, passent commande d’un modèle Elka. «Je suis en train de livrer les dernières pièces à l’international», glisse Hakim El Kadiri. L’avenir? «J’ai envie de rester passionné, de gérer mon affaire moi-même. Je vise donc une production raisonnable: 300 pièces en 2023, 500 l’année suivante.» Le financement participatif lui ayant donné une visibilité mondiale, l’entrepreneur espère conquérir la Suisse, mais aussi la France, les Etats-Unis, le Japon et la Hollande bien sûr.

Fabrice Eschmann